Brobeck Jean-Paul - Un miroir pour trois visages
LE CARNAVAL de DUNKERQUE.

Prenez la carte de France. Mettez votre doigt tout en haut. C’est là que vous trouverez Dunkerque : la ville la plus au Nord. Métallurgie, raffinerie de pétrole, activités portuaires, sont les points forts. Mais à côté du transport maritime, Dunkerque est aussi un port de pêche d’où partaient les marins qui allaient à la grande pêche sur les bans de Terre-Neuve. C’étaient les années du « Grand Métier. »
Les marins pêcheurs de l’époque partaient sur de grands voiliers sur lesquels étaient chargées leurs doris, des barques. Arrivés sur les bans de pêche, on mettait les doris à la mer et les marins partaient à la rame dans la brume et le brouillard à la pêche à la morue Ils revenaient de temps en temps au bateau mère pour embarquer leur pêche. Les poissons étaient vidés et conservés dans du sel. Le « saleur » était un homme bien payé car de son habileté dépendait la qualité du poisson. Trop salé, le poisson était invendable, pas assez salé le poisson pourrissait.
La campagne de pêche durait plusieurs mois et les pêcheurs touchaient donc une avance équivalente à environ la moitié de leur salaire. Ils touchaient l’autre moitié, plus éventuellement des primes, à condition de revenir vivants. C’est vous dire combien le Grand Métier était dangereux !
Le départ en campagne de pêche était l’occasion d’une grande fête et cela pour deux raisons. Tout d’abord, les marins se sentaient riches et d’autre part ils savaient qu’ils encourraient de grands risques.
Pour fêter leur départ, ils défilaient dans les rues avec leur uniforme, c’est-à-dire leur ciré et leur canne à pêche au bout de laquelle ils fixaient un poisson fumé. C’est là l’origine du personnage du Fiegeman, ou Fischerman, Fishermen. Les marins allaient du bistrot en bistrot ou entraient chez des particuliers qui les recevaient. C’est ce qu’on appelle « faire chapelle ».
Dunkerque était situé dans un marais. Les bourgeois, eux, habitaient une petite ville voisine, Bergues distante d’une dizaine de kilomètres.
À l’époque les critères d’esthétiques voulaient que les femmes aient la peau très blanche et les élégantes portaient donc ombrelle pour venir voir le « bas peuple » qui s’amusait.
Un jour, un pêcheur fixa un parapluie ou bout de sa canne à pêche, pour se moquer.
Depuis, les cannes devinrent de plus en plus longues et les parapluies de plus en plus petits. C’est l’une des multiples explications des parapluies, véritables symboles du carnaval de Dunkerque. Maintenant, les parapluies font souvent place à des plumeaux et rares sont les carnavaleux déguisés en Fiegeman. On se déguise tout simplement.

Le carnaval de Dunkerque est apparemment désorganisé. C’est-à-dire que les gens marchent dans les rues sans trajet précis avec un mot d’ordre :
« T’as pas vu la bande ? »
La bande de quoi ?
La bande des pêcheurs bien sûr !
La bande parcourt les rues de la ville sous la conduite d’un personnage imporatnt appelé le « Cô ». qui marche en tête du cortège juste avant les musiciens.
Il y a eu des « Cô » célèbres comme Cô Pinard.
Pendant la marche, les musiciens marquent des arrêts et la foule qui suit pousse très fort pour essayer de faire avancer le cortège.
Vers le soir, la bande se retrouve à un endroit précis. À Dunkerque, c’est devant la mairie où le Maire jette des poissons fumés à la foule. À Malo les Bains, on se retrouve place Turenne, autour du kiosque à musique.

Et le défile s’arrête immanquablement par la Chanson à Jean Bart, le fameux Corsaire de Dunkerque.
Agenouillés, les gens entament l’Hymne à Jean Bart. L’émotion saisit alors la foule et il n’est pas rare de voir couler les larmes sur les visages.

On chante, on crie, on a froid, on est en plein hiver, mais on a chaud dans le cœur et pour sûr, on ne ratera pas le carnaval de l’an prochain.

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