A 2,50 francs.
Il parlait gros sous.
Je parlais bonheur.
Nous ne pouvions pas nous entendre.
Lautomne frappe à notre porte. De nuages en gouttes, de gouttes en flaques, de flaques en boue, lhiver approche. Bientôt, qui sait, les premiers flocons de neige.
Il faut vider le potager. Cest lépoque des dernières récoltes. Du bilan aussi.
Cette année, me disait lautre jour mon voisin, ce nétait pas une année à tomates, à cornichons non plus. Un mois de juillet trop chaud, une arrière saison trop humide...
A peine si jai sorti le prix des semences.
Une fois de plus, largent vient tout embrouiller.
Comme beaucoup, je possède moi aussi un petit jardin. Un carré de gazon, quelques arbres, et là-bas, un coin de potager. Lautre jour, jai commencé le nettoyage automnale...
Chaque année, cest avec un peu de tristesse que je macquitte de cette tâche ingrate. Mais je dis, avec raison certes, que la terre a besoin de repos comme lhomme fatigué.
Pourtant, ai-je vieilli, ou suis-je devenu un peu plus sensible, les mains dans la terre, jai déjà pensé au printemps, à la vie qui reprendrait de plus belle.
Heureux, le petit jardinier.
Vous croyez quil sème des carottes ou des laitues. Il sème tout simplement du bonheur.
Heureux, le jardinier; qui vit de bourgeons en feuilles, de feuilles en fleurs, de fleurs en fruits.
Jamais, à aucun moment, il ne connaît lennui.
A chaque saison ses travaux, à chaque saison ses bonheurs aussi.
Et puis dites-moi qui irait semer des graines sans espoirs de récolter ?
Jardinier, ne sèmes-tu pas pour conjurer la mort ?
A 2,50 F; cela ne vaut pas la peine de se fatiguer.
Pourquoi chercher à discuter ?