Les arcs-en-ciel de la vie.
La journée avait été chaude, étouffante comme le sont les journées de fin juillet, début août.
Les gens avaient dailleurs pris lhabitude de surnommer cette période de lannée : les jours des chiens. Lexpression était née, on ne sait comment, mais toujours est-il quelle désigne les jours où il fait tellement chaud, que mêmes les chiens ne se risquent pas dans la rue et restent bien sagement dans les maisons.
Dans mon pays, il faut savoir faire face. Pour lutter contre lhiver, on isole les maisons, on leur met des lunettes, entendez par là que les gens fixent en automne des doubles vitrages amovibles, que lon sempresse de démonter, la belle saison revenue.
On peut toujours lutter contre le froid, mais lutter contre la chaleur est autrement plus difficile.
Je parle bien sûr dune époque lointaine, une époque où le chauffage central néquipait que les maisons cossues, une époque où lon navait même pas encore inventé la climatisation.
Alors en hiver, on venait se réfugier tout contre le poêle à charbon presque rouge pendant quà quelques mètres à peine, des fleurs de givre décoraient les fenêtres.
Cétait une époque difficile, une époque dure. Les hommes eux aussi étaient endurcis. On ne prenait pas dantibiotique à tort et à travers, pour la simple raison que les antibiotiques, ça nexistait pas encore.
Pour lutter contre la chaleur, il ny avait quun moyen efficace : se lever de bon matin. Ma mère ouvrait tout grand les fenêtres de la maison dès 5 heures du matin pour bénéficier de la fraîcheur matinale. Puis, vers 7 heures, quand le soleil commençait lentement à sélever dans le ciel, on se pressait pour fermer volets et fenêtres pour enfermer, pour essayer de retenir le maximum de fraîcheur.
Alors cest dans la pénombre que je passais mes journées de petit garçon. Le soleil trouvait quand même le moyen de sinfiltrer dans les persiennes et il envoyait un rayon curieux explorer lintérieur de la maison.
Je mamusais à observer les poussières qui dansaient dans ce rayon de lumière, comme des danseuses sous les feux du projecteur céleste.
On mangeait peu, mais lon buvait beaucoup et lon attendait surtout le soir, on espérait, et essayait de tenir le coup jusquau retour de la fraîcheur crépusculaire.
Mais voilà, pendant que nous étions bien à labri dans nos maisons calfeutrées, dehors, dans le ciel, les nuages naissaient puis se développaient en forme dimmenses choux fleurs et cest généralement vers 18 heures, que lorage éclatait. Non pas un de ces orages de théâtre, un vrai orage avec des éclairs aveuglants et des coups de tonnerres terribles.
Grand-mère avait une trouille bleue de tout ce qui est orage. Elle senfermait dans le couloir, la pièce la mieux protégée daprès ses dires, loin, surtout loin de la cheminée car chacun sait que les cheminées attirent la foudre. Il était même des jours dorages plus terribles que dautres ou grand-mère appelait au secours le bon Dieu et mettait quelques poignées de sel béni sur les rebords des fenêtres.
Moi, je nai jamais eu peur des orages. Allez savoir pourquoi. Ce festival déclairs, cette symphonie de roulements de tambours ne minspirait nulle crainte et dès que lorage prenait ses distances, cest-à-dire, que dès le moment où lon pouvait compter jusquà dix entre léclair et le coup de tonnerre, je mempressais douvrir les fenêtres et les volets.
Je sentais alors monter dans mes narines, la bonne odeur de la terre mouillée, odeur de poussière aussi et je guettais larc-en-ciel que les derniers rayons de soleil faisaient naître dans un ciel encore noir et lourd de nuages.
Pourquoi cette fascination pour les arcs-en-ciel ?
Jai beau essayer de me souvenir, je ne men rappelle plus.
A moins que
Un jour, jai lu une histoire qui parlait darc-en-ciel. Lhistoire disait que cest au pied de larc-en-ciel que lon avait caché le plus riche trésor du monde et quil suffisait daller se poster au pied de larc-en-ciel pour pouvoir puiser à pleines mains et se remplir les poches.
Jai souvent marché vers le pied de larc-en-ciel.
Mes arcs-en-ciel à moi, sappelaient amitié, amours, bonheur, sérénité,
Jai longtemps poursuivi les rêves de chaque homme avant de comprendre que cet arc-en-ciel, cest au fond de moi-même quil fallait le chercher.
Mais dites-moi, que serait la vie sans nos rêves couleur darc-en-ciel ?