Un miroir pour 3 visages
Brobeck Jean-Paul
Les arcs-en-ciel de la vie.

La journée avait été chaude, étouffante comme le sont les journées de fin juillet, début août.
Les gens avaient d’ailleurs pris l’habitude de surnommer cette période de l’année : les jours des chiens. L’expression était née, on ne sait comment, mais toujours est-il qu’elle désigne les jours où il fait tellement chaud, que mêmes les chiens ne se risquent pas dans la rue et restent bien sagement dans les maisons.
Dans mon pays, il faut savoir faire face. Pour lutter contre l’hiver, on isole les maisons, on leur met des lunettes, entendez par là que les gens fixent en automne des doubles vitrages amovibles, que l’on s’empresse de démonter, la belle saison revenue.
On peut toujours lutter contre le froid, mais lutter contre la chaleur est autrement plus difficile.
Je parle bien sûr d’une époque lointaine, une époque où le chauffage central n’équipait que les maisons cossues, une époque où l’on n’avait même pas encore inventé la climatisation.
Alors en hiver, on venait se réfugier tout contre le poêle à charbon presque rouge pendant qu’à quelques mètres à peine, des fleurs de givre décoraient les fenêtres.
C’était une époque difficile, une époque dure. Les hommes eux aussi étaient endurcis. On ne prenait pas d’antibiotique à tort et à travers, pour la simple raison que les antibiotiques, ça n’existait pas encore.

Pour lutter contre la chaleur, il n’y avait qu’un moyen efficace : se lever de bon matin. Ma mère ouvrait tout grand les fenêtres de la maison dès 5 heures du matin pour bénéficier de la fraîcheur matinale. Puis, vers 7 heures, quand le soleil commençait lentement à s’élever dans le ciel, on se pressait pour fermer volets et fenêtres pour enfermer, pour essayer de retenir le maximum de fraîcheur.
Alors c’est dans la pénombre que je passais mes journées de petit garçon. Le soleil trouvait quand même le moyen de s’infiltrer dans les persiennes et il envoyait un rayon curieux explorer l’intérieur de la maison.
Je m’amusais à observer les poussières qui dansaient dans ce rayon de lumière, comme des danseuses sous les feux du projecteur céleste.
On mangeait peu, mais l’on buvait beaucoup et l’on attendait surtout le soir, on espérait, et essayait de tenir le coup jusqu’au retour de la fraîcheur crépusculaire.

Mais voilà, pendant que nous étions bien à l’abri dans nos maisons calfeutrées, dehors, dans le ciel, les nuages naissaient puis se développaient en forme d’immenses choux fleurs et c’est généralement vers 18 heures, que l’orage éclatait. Non pas un de ces orages de théâtre, un vrai orage avec des éclairs aveuglants et des coups de tonnerres terribles.
Grand-mère avait une trouille bleue de tout ce qui est orage. Elle s’enfermait dans le couloir, la pièce la mieux protégée d’après ses dires, loin, surtout loin de la cheminée car chacun sait que les cheminées attirent la foudre. Il était même des jours d’orages plus terribles que d’autres ou grand-mère appelait au secours le bon Dieu et mettait quelques poignées de sel béni sur les rebords des fenêtres.

Moi, je n’ai jamais eu peur des orages. Allez savoir pourquoi. Ce festival d’éclairs, cette symphonie de roulements de tambours ne m’inspirait nulle crainte et dès que l’orage prenait ses distances, c’est-à-dire, que dès le moment où l’on pouvait compter jusqu’à dix entre l’éclair et le coup de tonnerre, je m’empressais d’ouvrir les fenêtres et les volets.

Je sentais alors monter dans mes narines, la bonne odeur de la terre mouillée, odeur de poussière aussi et je guettais l’arc-en-ciel que les derniers rayons de soleil faisaient naître dans un ciel encore noir et lourd de nuages.

Pourquoi cette fascination pour les arcs-en-ciel ?
J’ai beau essayer de me souvenir, je ne m’en rappelle plus.
A moins que …

Un jour, j’ai lu une histoire qui parlait d’arc-en-ciel. L’histoire disait que c’est au pied de l‘arc-en-ciel que l’on avait caché le plus riche trésor du monde et qu’il suffisait d’aller se poster au pied de l’arc-en-ciel pour pouvoir puiser à pleines mains et se remplir les poches.

J’ai souvent marché vers le pied de l’arc-en-ciel.
Mes arcs-en-ciel à moi, s’appelaient amitié, amours, bonheur, sérénité,
J’ai longtemps poursuivi les rêves de chaque homme avant de comprendre que cet arc-en-ciel, c’est au fond de moi-même qu’il fallait le chercher.

Mais dites-moi, que serait la vie sans nos rêves couleur d’arc-en-ciel ?

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