Brobeck Jean-Paul - Un miroir pour trois visages
Confidences.


Tiens, je vais vous faire quelques confidences : j’aime faire les courses. Ce qui représente, pour certains, une véritable corvée, est un de mes plaisirs simples. Quand je parle de courses, il ne s’agit pas d’aller faire la queue dans les grandes surfaces. Non, merci ! Pour moi, faire les courses c’est pousser la porte d’un petit magasin ou alors, aller au marché.

Dans mon pays, samedi est jour de marché. Chaque fois que je retourne au pays de mon enfance, je n’oublie jamais d’aller faire un tour sur le marché. Comment vous dire ? Aller au marché, c’est entrer dans un monde où les matières deviennent couleurs, où les couleurs deviennent parfums. Au marché, les tomates rougissent de plaisir, les citrons brillent comme des soleils, et les pastèques s’épanouissent en fleurs merveilleuses.

Oui, j’aime aller au marché. J’aime faire un tour dans mon enfance.
Mais voilà, la vie m’a conduit loin de chez moi. Il y a bien un marché, mais je n’y retrouve pas les mêmes odeurs que celles de chez moi. Alors, je m’en vais faire mes courses dans le magasin, là-bas, au bout de ma rue.

Oh ! c’est une de ces épiceries spécialisées dans les fruits et légumes. On pourrait dire un marché en miniature.

Sur les rayons on trouve de tout. Tenez, si l’envie vous prend, vous pourrez manger des haricots frais, en plein mois de janvier. Des raisins aussi. Ici, il n’y a plus de saisons. On trouve tout, à n’importe quelle période de l’année, à condition, bien sûr, d’y mettre le prix.

Que voulez-vous, moi, je suis de ceux qui sont économes. Mais il n’y a pas que cela. J’achète avec le coeur et la raison. Le vrai plaisir n’est pas de manger du raisin à Noël. Non, le vrai bonheur est de consommer les fruits à pleine maturité. Alors, je boude les premières cerises. Je fais la fine bouche en voyant les fraises du mois d’avril. Oui ! j’attends et je me réjouis. Le vrai bonheur exige un peu de patience. Bientôt viendra le temps, où je m’enivrerai des jus parfumés.

L’autre jour, j’avais ma tête de philosophe. Je me suis dit : “ n’en est-il pas de même pour toutes les choses de la vie ?” Il faut savoir patienter, attendre, laisser du temps au temps. On est toujours juste un peu trop pressé. Pourquoi ? Est-ce la peur de la Mort ? Les gens consomment-ils hors saison pour se prouver qu’ils sont plus forts que le temps ?

Le bonheur sourit à celui qui sait attendre. Cette attente fait partie du bonheur et, quand on ne peut prolonger le présent, il est facile de le faire durer plus longtemps en se réjouissant d’avance.
J’aime les laitues qui craquent sous les dents. J’aime les haricots qui parfument un plat. J’aime les cerises gorgées de soleil.

Mais j’aime aussi, les visages dénués de tout artifice. J’aime la main tendue, la poignée de main franche, le son d’une voix qui vient directement du coeur.

J’aime les choses vraies, authentiques.
Elles ont un goût de Vérité, d’Éternité aussi.
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