Brobeck Jean-Paul - Un miroir pour trois visages
Histoire d’ivrognes.


Les histoires d’ivrognes sont vieilles comme le Monde, car l’Homme a toujours été attiré par les paradis artificiels.

Il y a ceux qui ont l’ivresse méchante et leur entourage vit un véritable calvaire. Il y a ceux qui ont l’ivresse soporifique et qui s’en vont rouler dans les fossés. Il y a ceux qui ont l’ivresse musicale et qui chantent, que dis-je, qui hurlent à tue-tête dans les rues.

Face aux ivrognes, les gens commencent généralement par adopter une attitude amusée. Du moins aussi longtemps que l’ivresse se manifeste gentiment. Mais il en va autrement dès que l’ivrogne met en danger la vie des autres.

Pardonnée, acceptée, l’ivrognerie est maintenant considérée comme une maladie. Moi, je me permets de parler de crime. Je n’aime pas les ivrognes. Je n’aime pas les gens qui acceptent sciemment de perdre leur self contrôle. Une fois de plus les solutions s’avèrent difficiles.

Mais je me souviens d’une histoire d’ivrogne que je vais vous raconter.

Jules était un grand buveur devant l’Eternel. Veuf, il tentait de noyer sa solitude. Jules habitait une petite maison, là-bas dans la cité. Au début du mois, le facteur apportait la maigre retraite. Alors se sentant riche, Jules s’en allait, au petit bistrot du coin arroser copieusement l’événement.

Certains promènent leur chien ; Jules, lui, emmenait sa bicyclette. Les mauvaises langues du quartier prétendaient qu’à force de faire l’aller-retour entre la maison et le bistrot, c’est la bicyclette qui conduisait le bonhomme.

Toujours est-il, que ce soir-là, Jules tenait une bonne cuite. Il remontait la rue en zigzaguant dangereusement.

Arrivé à la hauteur de l’unique réverbère, Jules laissa tomber son vélo et sortit la clef de sa maison. Il essayait depuis un bon quart d’heure de trouver la serrure de sa maison réverbère, quand un passant mi-rigolard mais charitable s’arrêta.

« Monsieur, vous n’êtes pas devant votre maison !
- Mais si, je connais ma maison !
- Monsieur, ce n’est pas une maison mais un réverbère, s’évertua le passant.
Et comme Jules ne l’entendait pas de cette oreille, le passant lui asséna un argument qui lui semblait définitif.
« D’ailleurs même si c’était une maison, vous perdriez votre temps. Les propriétaires sont absents.

-L’argument qui fut catégoriquement refusé par Jules qui déclara :

« Vous dites que les propriétaires sont absents. C’est faux. Vous ne voyez pas qu’il y a de la lumière au premier étage ! »
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