Un miroir pour 3 visages
Brobeck Jean-Paul
Il suffirait de...

J’aime les traditions : celles qui réunissent la famille autour du sapin et toutes les autres qui jalonnent la route de notre temps.

Les traditions sont l ’héritage que nous ont transmis nos aïeux, véritable trait d’union entre hier et le présent.

En cette fin de siècle, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur l’avenir. À défaut de répondre à cette question, les traditions nous permettent d’entrevoir d’où nous venons et c’est déjà beaucoup.

Mais il existe des traditions récentes dont je me passerais bien. Tenez, c’est devenu traditionnel, chaque année on dresse le bilan des victimes de la route. Alors, pour quelques instants, mais pour quelques instants seulement, les hommes prennent conscience et puis, on retombe vite dans les mêmes ornières. Comme si la fatalité avait dessiné notre chemin.

Au moment même où les pouvoirs publics font dresser des panneaux de limitation de vitesse, au moment même où l’on installe les nouveaux radars, les constructeurs automobiles présentent leurs derniers modèles toujours plus rapides, toujours plus puissants. Il y a belle lurette que les performances des voitures ont dépassé les facultés des conducteurs.

Depuis qu’il est entré dans ma vie, le « petit » a changé ma façon de voir les choses. Oh ! je n’ai jamais été un fou de vitesse, mais voilà, homme rationnel, mes déplacements se réduisaient à un trajet obligatoire me conduisant d’un point à un autre.

Je n’aime toujours pas perdre mon temps et, sans être habité par la hantise de la moyenne, je flirtais avec les vitesses autorisées.

Maintenant, dès que je tends la main vers l’armoire à clefs, le « petit » exprime sa joie et va se poster devant la porte d’entrée. Dans la voiture, il s’assied gentiment à l’arrière et ne bronche pas quand je lui passe sa ceinture de sécurité.

Je vous l’ai dit, ma façon de voir les choses a changé. Maintenant, nous ne traversons plus la France, non, nous voyageons dans un véritable zoo. J’attire l’attention du « petit » quand j’aperçois des animaux et il prend plaisir à observer et à faire la différence entre les vaches, les chevaux et les moutons. Parlez-lui d’oiseaux ou d’avions, et il dressera son coup pour scruter le ciel.

Oui, le « petit » a transformé la voiture en citrouille de Cendrillon et c’est bien au chaud dans nos parenthèses de bonheur que nous parcourons les routes. Qu’importe la durée du voyage. Je me surprends même à prolonger cet instant de bonheur profond.

Et je suis persuadé que c’est là que réside la solution du problème. Car on ne mettra jamais un gendarme derrière chaque arbre, et l’esprit humain essaiera toujours moyennant quelque arrangement avec sa conscience, d’échapper aux interdits imposés de l’extérieur.

Non ! c’est de l’intérieur que doit se faire l’adhésion. Il faut être conscient pour comprendre, pour faire soi selon l’étymologie.

Au besoin en voyageant avec un « petit » à côté de soi.

Au fait, j’allais oublier. Mon « petit » va sur ses trois ans. Il est gentil. Il a l’esprit de famille.

C’est un Labrador blanc.
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