Un miroir pour 3 visages
Brobeck Jean-Paul
L’hiver a été bon.

Les routes verglacées, les petits chemins bloqués par des congères, les coupures de courant et les fils du téléphone tombés ; toute la gamme des problèmes. Et pourtant, l’hiver a été bon !

“Chez vous, dans l’Est, les gens ont l’habitude” me disait l’autre jour, le facteur, “mais ici, cela n’arrive que tous les vingt ans, alors, vous savez, les gens sont pris au dépourvu.”

Pourtant, malgré plus de cent victimes dont j’ai entendu parler, comme tout le monde, malgré la voiture d’un ami démolie à la suite d’une glissade sur une plaque de verglas, malgré la facture du chauffage qui s’annonce lourde, je retiendrai autre chose de cet hiver rigoureux.

C’était au bout de la première semaine de la vague du froid. Ma voisine, dame âgée aux jambes fragiles, m’observait pendant que je sortais ma voiture du garage. Un petit signe de la main. Une fenêtre qui s’ouvre :
“Bonjour Madame. Voulez-vous que je vous fasse quelques courses ?”

Les bonnes nouvelles vont vitre. En l’espace de quelques heures, je devins le pourvoyeur des petits vieux du quartier. Je fis la navette du boulanger à l’épicier, en passant par le boucher et la pharmacie. J’approvisionnais des gens que je ne connaissais que de vue : j’habite mon quartier à peine depuis un an.

Oui, l’hiver a été rude. Là-bas, dans la montagne, il a fait éclater des rochers.

Chez nous, il a même brisé des solitudes ...
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