Brobeck Jean-Paul - Un miroir pour trois visages

Le cerisier.


La fenêtre de mon salon donne sur une arrière-cour sombre. A moins de cinq mètres, un mur en vieilles briques pleines de mousses s’élance vers le ciel.
C’est là, toute l’étendue de mon horizon.
A côté de ma maison, une autre maison, toute pareille, avec son arrière-cour sombre.
Les corons ne sont beaux que dans la chanson.
Alors, pourquoi ouvrir les volets ?
Pourtant, depuis quelques jours, je ne peux résister à l’appel du printemps. Avec les merles qui sifflent sur les toits, avec ce petit coin de ciel qui agite son drapeau bleu, je sens monter en moi, le besoin d’ouvrir tout grand mon coeur.
Et, par la fenêtre qui donne, vous savez bien, sur l’arrière cour sombre, j’ai aperçu un cerisier.
Le soleil, d’un rayon pointu, l’éclairait comme une vedette sur le fond noir des murs.
Alors, ébloui par tant de beauté, je ferme les yeux et je retrouve les odeurs du temps où j’étais gosse et que je courais la montagne et les bois.
Il a fallu que je vienne ici, dans cette ville grise et que je rencontre cet arbre pour que surgisse un rayon de lumière.
Des printemps, j’ai l’impression d’en avoir laissé échapper beaucoup sans même savoir, sans même m’en rendre compte. Pour cueillir le fruit, il faut attendre qu’il soit mûr. Pour apprécier les choses à leur juste valeur, il faut savoir ouvrir son coeur.
Le printemps est entré par ma fenêtre et avec lui, les souvenirs, l’espoir, le besoin de vérité.
Le bonheur me fait tourner la tête et je suis conscient d’être heureux.
Et pourtant, j’entends une petite voix qui dit :

“ Surtout ne pas mourir au printemps. “

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