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Promener le chien.
Rituel du petit matin : café noir, tartine beurrée. Salle de bain, mousse à raser, gant de toilette, brosse à dent. Et puis promener le chien.
Le « gamin » était descendu avec moi. Été comme hiver, il fait le tour du jardin, sarrête devant chaque fleur. Puis, il était remonté se recoucher pour profiter à fond de la chaleur du lit.
Il a loreille fine. Il devine mes gestes, les chaussures que jenfile et, quand je tends la main pour prendre sa laisse, il dégringole les marches de lescalier.
Cest comme cela, chaque matin, depuis quil est entré dans notre vie. Nous voulions un mâle. La nichée en comprenait trois sur onze. Ce nest pas nous qui lavons choisi. Cest lui qui est venu se poster devant ma femme. Elle lavait pris dans ses bras. Il avait posé sa tête, fermé les yeux et sétait endormi confiant. Peut-on résister ?
Promener le chien. Jallais oublier. Mais non ! Il est là pour me rappeler à lordre, piaffant dimpatience, prêt, sil le faut, à bondir sur la porte dentrée fraîchement repeinte. Alors il ny a pas de temps à perdre. Nous voilà donc sur le trottoir. Cest presque toujours le même circuit. Il est des lampadaires qui exigent leur salutation quotidienne. Et puis il y a la chienne du buraliste, une belle fille qui attend sur le pas de sa porte. Il y a des jours de grandes effusions, de reniflements intenses, de réelle complicité et dautres ou le couple connaît une froideur passagère. Allez savoir !
Ce matin, notre promenade nous conduisit dans le parc. Arrêts impératifs devant certains arbres. Il est des critères de choix qui nous échappent. Une dame qui promène un caniche. Les chiens se reniflent, les maîtres se saluent. Et puis la question, « il a quel âge votre Labrador ? »
Question anodine ; en apparence du moins. « Il va sur ses cinq ans. »
Et voilà ! Cinq ans déjà. Cinq ans quil a pris progressivement possession de la maison et puis de ma vie. Cinq ans que la petite boule de poils blancs sest métamorphosée en un rude gaillard de presque quarante kilos. Cinq ans, quil moblige à sortir, deux fois par jour, quel que soit le temps.
Cinq ans aussi, de complicité, de caresses, damitié et pourquoi avoir peur des mots, cinq ans damour. Je nai pas vu passer le temps.
Mais dans cinq ans ? Sera-t-il toujours aussi jouasse ? Continuerons-nous nos promenades quotidiennes et, là-bas, au croisement des rues, va-t-il encore guetter le petit geste de ma main qui indique la direction à suivre.
Et moi, dans cinq ans, aurais-je encore la force de le promener. La vie nous accordera-t-elle de prolonger cette parenthèse de bonheur que je voudrais illimitée.
Et voilà, je suis rentré de promenade, le cur lourd, la tête bouillonnante de questions.
On ne devrait jamais demander lâge des chiens.
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