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Lhomme est assis sur une sorte de tabouret à trois pieds. Il suffit de trois pieds pour assurer la stabilité. Une chaise à quatre pieds est toujours difficile à placer. Une toute petite irrégularité du sol, et votre assise est instable. Lefficacité est atteinte quand on sest débarrassé du superflu. Je vous le dis, trois pieds, cest largement suffisant.
Devant lhomme, un bloc de pierre. Un bloc quil avait choisi avec soin, un choix dicté par lexpérience de nombreuses années de pratique. À voir les cheveux gris, on aurait peut-être pu se faire une idée de son âge, mais à regarder plus attentivement, ce sont les rides, la peau fripée qui constituent des indices bien plus précis.
Et puis il y a surtout les mains. Des mains burinées, des mains creusées, des mains qui portent les traces des blessures que lui ont infligées les éclats de roche. Oui, ce sont les mains quil faut regarder. Les mains racontent lhistoire de la vie.
La main droite porte le maillet ; la gauche tient le ciseau.
Le savoir le lhomme sest réfugié dans ses gestes. Gestes de toute une vie, gestes mille fois répétés, gestes dune efficacité extrême. Pas un seul de geste de trop. Cest là, la preuve de lexpérience.
Et le maillet vient frapper le ciseau. Et le ciseau arrache à la pierre juste le morceau quil faut. Ni trop petit, ni trop grand, comme si la pierre attendait lentaille depuis toujours. Comme si lhomme savait lendroit exact où il fallait porter le coup de ciseau. Comme si lhomme savait lire le cur de la pierre.
Et lentement, régulièrement, comme les battements dun cur, le maillet continue à sabattre sur le ciseau et les éclats de pierre continuent à jaillir avant de retomber.
Lhomme travaille en silence. Lhomme est en communion avec sa pierre. Il ny a plus de place pour rien : entente, complicité entre lhomme et sa pierre.
Le petit garçon sest rapproché doucement. Ce sont les bruits qui ont éveillé sa curiosité, alors il est venu voir. Cet homme assis devant son bloc de pierre lintrigue, cest peut être cela qui explique son silence ou alors la solennité de linstant, un peu de timidité. Allez savoir !
Le petit garçon sassied à même le sol. Le tailleur de pierre continue son uvre. Et lentement, inexorablement, lhomme arrache des éclats à la pierre. Et lentement, inexorablement, je dirais presque naturellement, la pierre se transforme.
On voit apparaître une tête, puis un cou, un corps avec des pattes.
Alors, le petit garçon se lève et va se placer devant lhomme.
Ils se regardent, les yeux dans les yeux, complices de la même naissance.
Comment savais-tu quil y avait un cheval caché dans la pierre ?
Et le silence retombe, emmaillé du sourire qui vient de fleurir sur le visage de lhomme.
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