Brobeck Jean-Paul - Un miroir pour trois visages
Trop, c’est trop !

Trop, c’est trop ! Je veux bien admettre que chacun possède ses petites manies, ses marottes, ses dadas, mais je demande, qu’en retour, on respecte les miens.

Me voici donc en colère. Mais contre qui ? Eh bien je suis en colère contre ce petit monsieur en habit noir ! Dans son habit de croque-mort, il prend un air hautain et me regarde d’un air suffisant. Je veux parler du merle de mon jardin.

“Merle, merle, joyeux merle ...” dit la poésie. C’est vrai qu’un merle trouve sa place dans un poème, mais dans mon jardin, un merle, cela fait désordre.

Figurez-vous que mon merle à moi, doit être retraité des travaux publics. De toute façon anti-jardinier pour sûr. Je venais de planter des oignons de tulipes quand, à peine le dos tourné, voilà mon merle qui se met en tête de les déterrer.

Tiens, le merle cherche des vers ! Normal, pour un oiseau. Peut-être a-t-il faim ? Une famille à nourrir. Je pardonne donc et replante mes tulipes. Vous n’allez pas me croire, le lendemain matin, le merle avait, sans la moindre gêne, remis à l’air tous mes bulbes. Là, il n’est plus question de faim. Cela doit être une manie, une obsession, voire un vice!

Le manège dure depuis quelques jours déjà. Je plante. Il déterre. C’est à qui se lassera le premier. L’autre jour, je bricolais dans ma cave. J’avais laissé ma porte de la cuisine grande ouverte. Il faisait chaud. Quand je remontai, j’ai failli déraper. Mon merle avait laissé un souvenir de sa visite sous la forme d’une tache dans laquelle il vaut mieux ne pas marcher !

S’en était trop ! Je suis allé en ville, acheter des plombs pour mon fusil. Je me mis à l’affût, ayant opté pour la solution radicale.

Il arriva, comme de coutume, l’air peu surpris de me trouver là. Il me dévisagea de son oeil noir brillant. J’y crus voir plus de malice que de méchanceté. Je n’ai point appuyé sur la gâchette.

J’ai rangé mon fusil à l’abri des regards. J’étais fier de moi. Allez savoir pourquoi ? Que voulez-vous, mon merle continuera à ravager mon jardin.

Et moi, comme je suis un peu trop gentil, j’irais peut être jusqu'à acheter des graines, pour mon merle, l’hiver prochain.

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